Michel Paradis

Le droit immobilier, particulièrement le droit de la copropriété ainsi que le droit administratif, dont le droit des transports, dominent la pratique de Michel. Il travaille également en litige civil et commercial.

Michel a plaidé devant tous les tribunaux civils et plusieurs tribunaux administratifs du Québec; il s’est rendu à quatre reprises à la Cour Suprême du Canada, notamment sur le Renvoi relatif à la Sécession du Québec et à deux reprises, à titre d’avocat du Barreau du Québec, dans des affaires liées au privilège du litige et à l’exercice illégal du droit.

Bail à vie et conséquences

2 mars 2023 - Affligé par un problème de santé, vous souhaitez emménager dans un appartement situé à proximité de celui de votre fille. Ça tombe bien, car une unité située dans sa copropriété est à vendre. Mais l’unité en question est louée. Lors d’une visite des lieux, le locataire vous informe qu'il n'a pas l’intention de partir, affirmant bénéficier d’un droit d’y rester à vie. Du moins, tant qu'il le désire.

Qu’à cela ne tienne, le vendeur vous déclare que ce locataire devra quitter l’appartement, après avoir reçu un avis de reprise de possession. Intrigué par les affirmations du locataire, vous prenez la peine d’interroger plusieurs intervenants, afin de vérifier s'il se pourrait qu'il détienne un « bail à vie ». La réponse fournie vous rassure : s’il est envoyé six mois avant la date prévue de reprise, l’avis de reprise de possession devrait permettre de récupérer l'appartement.

Il n’y a donc aucun obstacle à la vente, si bien qu’une promesse d’achat intervient et vous mandatez un notaire pour préparer l’acte de vente. Évidemment, vous l’informez des propos tenus par le locataire. Peu importe, le notaire certifie qu’un "bail à vie", ça n’existe pas! L’acte d’achat est donc signé, après quoi vous envoyez l’avis en question dans les délais prescrits. Étant donné que le locataire ne répond pas à cet avis dans le mois qui suit sa réception, il est réputé avoir refusé de quitter les lieux et vous déposez alors une demande au Tribunal administratif du logement, pour être autorisé à le faire partir. L’audience se déroule comme prévu, mais quelques semaines plus tard, vous recevez un jugement rendu par ce tribunal administratif qui ne vous permet pas cette reprise.

Tous les avis obtenus étaient erronés. Votre locataire avait raison. L'immeuble où est situé votre appartement a été converti en copropriété divise, alors qu'il a abrité, au cours des 10 années précédant la demande d’autorisation, au moins un logement locatif. Or, il faut savoir qu'une déclaration de copropriété divise ne peut être enregistrée sur un immeuble locatif, sans que le Tribunal administratif du logement n’ait préalablement autorisé le propriétaire à procéder à sa conversion. L’autorisation du Tribunal contiendra le nom des locataires à l’encontre desquels la reprise de possession ne peut plus être exercée ni par le locateur, ni par le nouvel acquéreur du logement.

De plus, la déclaration de copropriété ne peut être inscrite que si l’autorisation du Tribunal y est annexée. Dans ce cas précis, la Loi accorde une protection aux locataires, afin d’éviter qu’ils ne soient évincés du logement qu’ils habitent. Ils sont donc titulaires d’un bail à vie, en quelque sorte. Il faut savoir que le locataire a droit au maintien dans les lieux et ne peut être évincé de son logement par voie de reprise de possession, sauf s’il est cessionnaire du bail et que la cession a eu lieu après l’envoi de l’avis d'intention (de convertir l'immeuble en copropriété divise) ou s’il devient locataire après que le Tribunal administratif du logement ait autorisé le propriétaire de l’immeuble à procéder à la conversion. Le but est d’éviter une crise du logement, par le fait d’une diminution des unités locatives au profit de la copropriété divise.

Une décision datant de 2008, l'affaire Gagnon c. Lévesque, a été rendue par la Cour du Québec dans une situation semblable. Après avoir négocié le départ des locataires pour la somme de 12 000,00 $, l’acheteuse a réclamé (de ses vendeurs et du notaire qui a instrumenté la vente) le remboursement de cette somme, ainsi qu’une compensation pour les inconvénients subis. Il faut préciser que, dans cette affaire, la décision du Tribunal administratif du logement n'avait apparemment pas été annexée à la déclaration de copropriété publiée au registre foncier. Quoi qu'il en soit, après avoir analysé les faits, le juge Richard Landry a condamné les  vendeurs et le notaire à payer quelque 18 220,83$ à l’acheteuse, "in solidum". Entre les défendeurs, cependant, la responsabilité du notaire fut établie à 100%, celle des vendeurs à 0%.

La morale de l'histoire: méfiez-vous avant d’acheter un condo. Et n’hésitez pas à consulter un juriste spécialisé en cette matière, qui effectuera toutes les recherches requises pour établir la validité de la transaction projetée, sans surprise au détour.

Me Michel Paradis, avocat

Therrien Couture Joli-Cœur S.E.N.C.R. L

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