Faire respecter la déclaration de copropriété

La déclaration de copropriété est un contrat qui orchestre et réglemente la vie des copropriétaires, des locataires et des autres occupants de l’immeuble. Elle représente la ligne de conduite à suivre pour tous ceux qui cohabitent dans l’immeuble. La déclaration de copropriété prévoit, systématiquement, qu’il revient au conseil d’administration (CA) d’en faire observer le contenu. Or, il arrive que des personnes enfreignent les règles, notamment par le fait d’un usage non conforme d'une partie privative au regard de la destination de l'immeuble, d’une nuisance sonore et de travaux réalisés en violation du règlement de l’immeuble. D’autres exemples illustrent le désordre qui peut s’installer dans la copropriété, en raison d’un empiètement sur une partie commune ou de l’installation inadéquate d'un revêtement de sol. Quiconque ne respecte pas la déclaration de copropriété s’expose, entre autres, à un recours judiciaire fondé sur l’article 1080 du Code civil du Québec. Ce recours peut être intenté par un copropriétaire ou le syndicat.

Mise en œuvre de la déclaration de copropriété

Il est fréquent que les contrevenants ne se sentent pas concernés par la déclaration de copropriété. Dans d’autres cas, les infractions commises découlent d'une méconnaissance de son contenu. Le conseil d’administration doit donc veiller à ce qu’il soit appliqué rigoureusement. Par conséquent, il lui faut intervenir auprès des personnes concernées, en communiquant par écrit avec elles pour leur rappeler qu’elles ont des obligations. En règle générale, cette démarche suffit à faire cesser les comportements inappropriés.

Mise en demeure

Si les interventions du conseil d’administration ne donnent pas les résultats espérés, requérir les services d’un avocat expérimenté en droit de la copropriété pourrait être nécessaire. Ce juriste transmettra une mise en demeure à qui de droit. Celle-ci décrira les faits qui lui sont reprochés, et rappellera les conséquences de ne pas se conformer à la déclaration de copropriété.

Conserver la preuve

Advenant que toutes ces démarches s’avèrent infructueuses, le conseil d’administration pourra faire constater le non-respect de la déclaration de copropriété par un huissier de justice. Ce dernier détaillera, aux termes d’un constat d’huissier, les troubles occasionnés par le copropriétaire. Le constat d’huissier a une valeur probante devant le tribunal.

Clause pénale

La déclaration de copropriété peut contenir des clauses pénales qui déterminent à l'avance la sanction pécuniaire (une somme d'argent qualifiée d'amende) que le syndicat de copropriétaires peut réclamer d’un copropriétaire en cas de contravention à l’une de ses dispositions (article 1622 du Code civil du Québec). Ce type de clause peut prévoir des amendes qui sont calculées différemment pour les infractions ponctuelles (par ex. : en fonction de chaque événement ou récidive), ou pour les infractions continues (par ex.: pour toutes les journées que dure une infraction.). La clause pénale peut également tenir responsable le copropriétaire en défaut, y compris quant aux paiements dus ce dernier au syndicat, des honoraires extrajudiciaires encourus par le syndicat, lorsque les services d'un conseiller juridique sont retenus, dans la mesure où ils sont raisonnables.

La clause pénale a un caractère dissuasif, en ce sens qu’elle fournit au syndicat un outil coercitif dont l’application est peu coûteuse, ce qui évitera les possibles recours judiciaires qui peuvent être onéreux. À noter qu’il est important de bien suivre toutes les étapes prévues à la clause pénale (avis verbal préalable, etc.) pour qu’elle soit applicable.

Avant d’entreprendre un recours judiciaire

Si la mise en demeure ne donne aucun résultat, il n’est pas forcément utile d’entamer immédiatement une procédure judiciaire. Le conseil d’administration pourra, dans certaines circonstances, faire appel à un médiateur pour trouver des solutions ou des compromis acceptables. L’article 1 du Code de procédure civile oblige les parties à considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement des différends (PRD), avant même de penser à s’adresser aux tribunaux. À cet égard, les déclarations de copropriété prévoient généralement un mécanisme de médiation, qui sera beaucoup moins coûteux qu’aller devant le tribunal, à plus forte raison si elle permet la résolution du problème. Dans certains cas, la déclaration de copropriété peut prévoir qu’en cas d’échec de la médiation, le différend sera soumis à l’arbitrage.

Recours en injonction par le syndicat

S’il est impossible de trouver un terrain d’entente, le syndicat devra contraindre le copropriétaire à respecter ses obligations en enjoignant, par décision judiciaire, de ne pas faire ou de cesser de faire quelque chose. Une demande d’injonction représentera l’arme ultime pour y parvenir. Elle sera ordonnée par un juge de la Cour supérieure du Québec. Une procédure d’injonction devra être préparée et déposée au tribunal, soit par le syndicat, soit par tout copropriétaire qui subit le préjudice. Il est fréquent que ce soit le syndicat qui s’en charge. En matière de copropriété divise, l’article 1080 du Code civil du Québec prévoit un recours en injonction.

Précisons que le syndicat ou un copropriétaire peut obtenir une ordonnance d’injonction, sans pour autant avoir subi un préjudice sérieux ou irréparable. Cependant, l’ordonnance de vente ne pourra être accordée que si le préjudice subi par le syndicat, ou par l’un des copropriétaires est considéré comme étant sérieux ou irréparable.

Recours en injonction par un copropriétaire

La loi autorise également tout copropriétaire à agir personnellement pour défendre ses propres intérêts, s’il s’estime lésé par un autre copropriétaire pour violation des prescriptions de la déclaration de copropriété. Cela pourrait notamment se produire si le préjudice porte atteinte à la jouissance de sa partie privative, par exemple un trouble anormal de voisinage. Mais un recours en injonction peut coûter cher, raison pour laquelle un copropriétaire aura tendance à exiger que le syndicat en prenne l’initiative.

En cas de refus ou de négligence par le conseil d’administration d’exercer ce recours judiciaire, le copropriétaire pourrait entreprendre un tel recours en son nom à l’encontre de la personne fautive, ainsi que le syndicat voire les membres du conseil d’administration en dernier recours pour défaut d’action.

Il n’en demeure pas moins que le syndicat demeure le gardien de la déclaration de copropriété, en vertu de l’article 1039 du Code civil du Québec. Le syndicat et les administrateurs ne doivent pas méconnaître les conséquences dommageables de leur défaut d’agir à l’égard d’un contrevenant. Cela signifie qu’ils pourraient devoir indemniser le copropriétaire demandeur, en raison des honoraires que ce dernier aurait payés à son avocat pour faire valoir ses droits.

Autres sanctions

Au-delà du recours en injonction qui a pour objet d’enjoindre un copropriétaire à respecter la déclaration de copropriété, des dommages-intérêts pourraient être réclamés, dans certaines circonstances, et parfois même la résiliation d’un bail.

  • Recours en résiliation d’un bail

Le règlement de l’immeuble s’impose aux copropriétaires et, en principe, aux occupants ainsi qu’aux locataires de l’immeuble. Un recours judiciaire pourrait donc viser ces personnes. L’article 1079 du Code civil du Québec prévoit que « le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d’une partie privative lorsque l’inexécution d’une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble. »

Les critères d’action et les démarches à entamer pour obtenir cette résiliation sont  similaires au recours contre un copropriétaire. Les seules différences sont les suivantes : ce recours ne peut être intenté que par le syndicat, après en avoir avisé le locateur et le locataire, qui auront ainsi l’opportunité de corriger la situation. Il faut savoir qu’un jugement rendu devant le Tribunal administratif du logement peut entraîner la résiliation d’un bail, si la gravité de la faute du locataire est jugée suffisante. Le syndicat pourra même, au surplus, poursuivre le locataire en réparation du préjudice qu’il a causé à la collectivité des copropriétaires. Précisons que pour reprocher au locataire un non-respect du règlement de l’immeuble, une copie doit lui avoir été remise par le copropriétaire-bailleur. Si ce dernier ne le fait pas, le syndicat pourra le faire à sa place.

  • Recours en dommages

Le fondement de ce type de recours repose sur la responsabilité civile qui peut être « contractuelle », en cas de manquement par un copropriétaire à une obligation contenue dans la déclaration de copropriété, ou « extracontractuelle » si la faute reprochée est le manquement à une obligation prévue par la loi. Une décision rendue par la Cour du Québec – Division des petites créances, a condamné un copropriétaire-bailleur à verser 15 000 $ en dommages-intérêts à une copropriétaire, pour des troubles de voisinage (bruits excessifs) qui se sont échelonnés sur une longue période. Ce jugement est venu confirmer que le copropriétaire-bailleur est responsable des troubles de voisinage imputables à son locataire. Il doit donc veiller à ce que ce dernier respecte les obligations générales de bon voisinage, ainsi que les prescriptions contenues dans la déclaration de copropriété. Rappelons que dans ce type de recours, le copropriétaire-bailleur peut faire valoir ses droits contre son locataire, au regard des sommes qu’il pourrait être tenu de payer.

 

BON À SAVOIR !​ La médiation est une forme de résolution de conflits qui requiert la présence d’un médiateur impartial, que les parties auront choisi d'un commun accord. Ce médiateur n’a aucun pouvoir décisionnel ou de contrainte: son rôle vise à permettre aux parties de s'exprimer, en évitant que les discussions ne dégénèrent. Il doit aussi identifier les intérêts des parties, afin de les aider à trouver les solutions ou les compromis acceptables. Pour en savoir plus à ce sujet, on peut consulter le centre de Médiation et arbitrage en copropriété Inc.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​​ La clause pénale est une disposition qui permet, au syndicat de copropriétaires, d’imposer des pénalités à un copropriétaire, voire une amende, lorsqu’il ne respecte pas les règles prévues à déclaration la copropriété. La sanction est de nature pécuniaire, c’est-à-dire que le copropriétaire doit payer un montant d'argent. La clause pénale doit être suffisamment détaillée pour que son application soit simple. Par ailleurs, les pénalités ne sont pas des charges communes et ne peuvent être transformées en charges communes (pas d’hypothèque légale possible).

ATTENTION ​​! La responsabilité civile du syndicat est susceptible d’être engagée lorsqu’il commet une faute dans l’exercice de ses fonctions, et que cette faute entraîne un préjudice. Si le syndicat n’agit pas pour faire respecter la déclaration de copropriété, il peut (dans certaines circonstances) mettre en jeu sa responsabilité civile et celle de ses administrateurs. Il pourrait également être tenu de rembourser les sommes que le copropriétaire a déboursées pour faire respecter la déclaration de copropriété.

 

 

Retour aux fiches pratiques